It Follows, fuir la menace à tout prix

N’étant pas une adepte des films d’horreur, It Follows avait pourtant retenu mon attention après ses passages remarqué notamment à la Semaine de la Critique à Cannes en 2014, où encore au Festival de Toronto et de Deauville. Beaucoup l’on d’ailleurs nommé comme étant l’un des meilleures films d’horreur de ces dernières années. Rien que ça. Et il faut bien se l’avouer que ce film en a tous les atouts. De quoi nous réconcilier avec le genre et lui redonner par l’occasion un vent de fraîcheur. A la fois un mix avec le teenage movie (que l’on retrouve beaucoup dans les autres réalisations horrifiques), It Follows reprend certains codes mais s’éloigne nettement des films d’horreurs commerciales, trop souvent stéréotypé.

Partant d’un pitch simple mais original, Jay (Maika Monroe) se retrouve confrontée à la vision de n’importe quelle apparence humaine la poursuivant pour la tuer après un acte sexuel qui lui a transmit cette malédiction, l’histoire est servie par une atmosphère sous tension, inquiétante et surtout floue. Tout comme Jay, nous ne comprenons pas ce qui se passe, la situation est incontrôlée et l’effet de surprise est toujours présent. Nous avons cette sensation d’être suivie, ou parfois d’être le suiveur, et analysons ce qui nous entoure avec suspicion. L’attention est captée et le regard est alors très sollicité. Et cela d’autant plus avec une magnifique photographie qui laisse planer le vide et la froideur de Détroit au côté d’une mise en scène impeccable.

Ici, pas de pataquès, la tension se suggère naturellement et est embelli par une musique électrisante, s’intégrant parfaitement. It Follows n’est pas totalement un film d’horreur pur et dur. Le film ne cherche pas à nous terrifier et n’est pas dans la démonstration gratuite. La peur ne se voit pas, elle se ressent. La « menace » qui suit Jay, est indétectable et peut surgir à tout moment. C’est ce qui fait que la peur s’installe plus dans l’atmosphère, froide, mais en nous offrant tout de même quelques sursauts. Le mystère reste omniprésent tout le long du film.

L’aspect réaliste du film, est de plus desservie par un groupe d’adolescents très naturel et attachant. Un peu perdu dans leur vie, en plein dans le passage à l’âge adulte, ils sont montrés de façon mature et responsable. On pourra remarquer aussi l’absence de personnages adultes. Livrés à eux mêmes, ils sont donc seuls face à cette étrange malédiction tout comme devant leur avenir. Loin des clichés auxquels les teenages movie ont pu nous habituer, les acteurs ne rassemblent pas les critères habituels.  L’interprétation de Jay par Maika Monroe est très naturel et dépasse son physique inoffensif. On pourra seulement regretter que les personnages secondaire soient peu exploités, faisant parfois juste office de présence.

De David Robert Mitchell, avec Maika Monroe, Keir Gilchrist, Jake Weary, Daniel Zovatto,… 2015, 1h40

DVD sortie le 4 juin 2015, distribué par Metropolitan Filmexport 

Critique en partenariat avec Cinétrafic dans le cadre de DVDTrafic. Comme It Follows est ce qui ferait un top film pour une soirée film d’horreur, retrouvez en plus sur leur site : http://www.cinetrafic.fr/film-d-horreur

Girls Only (Laggies), la crise de la trentaine

Peut-on rester jeune toute sa vie ? Arriver à la trentaine, l’insouciance ne semble plus être autant de mise. Voir ses amies se marier l’une après l’autre, fonder leur famille, peut être assez angoissant. Et Megan (Keira Knightley) semble effrayée à cette vision. Après avoir perdu son boulot et devant son mari, tout gentil, qui lui parle bébé et mariage, la jeune femme se retrouve dans l’impasse, entre sa vie d’adulte et sa vie d’adolescente. Pour méditer à tous ses problèmes existentiels, Megan va s’octroyer une semaine de remise en question pour faire le point sur ce qu’elle veut vraiment faire de sa vie en hébergeant chez Annika, 16 ans .

Présenté à Sundance en 2014, Girls Only ou plutôt Laggies (l’original est quand même mieux !) aborde un sujet que l’on connaît bien de manière légère mais sérieuse néanmoins. Contrairement à l’affiche française ainsi que son titre, ce n’est pas un film « girly », même si il est bien représenté par la gente féminine (la réalisatrice, la scénariste et les rôles principaux). Pour mieux comprendre son état d’esprit, il faut se pencher sur le sens de « laggies ». Bon, pas la peine d’aller chercher dans le dico, ce mot est une pure invention de la scénariste qui à l’époque du lycée, l’utilisait pour désigner ses camarades en retard. Ici, le terme collait donc parfaitement  au personnage de Megan, elle aussi apparaissant comme en retard par rapport à sa vie d’adulte. Encore attachée à son adolescence, c’est à travers sa rencontre avec Annika et ses potes qu’elle va « revivre » ses plaisirs de jeunesse. Un moyen d’échapper de son monde d’adulte oppressant.

Sans trop de longueur, cette comédie douce et agréable nous propose de passer un bon moment. Tout en restant simple et sans apporter de complication, Girls Only ne devient pas pour autant ennuyant et  réussi à nous transporter dans les questionnements de Megan. Le film qui est mature manque cependant d’un peu de piquant. Son sujet, intéressant à exploiter, peut toucher tout le monde mais n’est pas assez creusé pour lui donner une véritable ampleur. Tournant de plus en plus vers le côté romantique lorsque Megan se rapproche du père d’Annika, joué par le très bon Sam Rockwell, Girls Only loupe le coche. Se détacher des conventions des films de ce genre pour explorer d’avantage les pensées de Megan aurait été intéressant et plus accrocheur. Mais la force indéniable du film revient aussi à ses personnages amusant et attachant, où le duo Keira Knightley/Chloë Grace Moretz fonctionne parfaitement. La fraicheur et le charme naturel de Keira face à la maturité de Chloë apporte une certaine crédibilité à leur surprenante amitié. Et on aurait d’ailleurs bien voulu que le film nous surprenne un peu plus !

De Lynn Shelton, avec Keira Knightley, Chloë Grace Moretz, Sam Rockwell, Kaitlyn Dever, … 2015, 1h41

Au ciné en Juin…

Qui dit saison estivale, dit souvent blockbuster. Et le mois de Juin ne déroge pas à la règle avec le non moins attendu Jurassic World et le dernier Pixar, Vice-Versa, salué au Festival de Cannes. Valley of Love, issu de la compétition, sera également à l’affiche avec le couple Gérard Depardieu/Isabelle Huppert. Cette fois-ci venant de la Quinzaine des Réalisateurs, on pourra y découvrir Mustang, qui a reçu le prix Label Europa Cinema après les nombreuses faveurs du public. Petite sélection de ce qui nous attend :

Ex_Machina

Premier film de Alex Garland et déjà prix spécial du jury au festival de Gerardmar, Ex Machina s’intéresse à l’intelligence artificielle en compagnie du robot Ava interprété par Alicia Vikander, une actrice suédoise que le grand public ne va pas tarder à connaître, elle sera à l’affiche d’Assassin’s creed et Bourne 5. A ses côtés, rien que Domhnall Gleeson (Caleb) en programmateur de l’une des plus importantes entreprise d’informatique au monde et Oscar Isaac (Nathan), son PDG. Caleb, après avoir gagné un concours, va se retrouver à passer 1 semaine en montagne dans un lieu appartenant à son patron. Il y découvrira la création de la première intelligence artificielle par Nathan et devra participer à cette fascinante expérience. Le scénario, futuriste, confrontant trois personnage dans un lieu retiré ainsi que le casting laisse présager à un film de SF qui risque de surprendre. L’atmosphère mystérieuse et pesante à travers ce que chaque personnage laisse planer amène un côté haletant au film. Sortie le 03 juin

Jurassic World 

En 1993, Steven Spielberg sortait Jurassic Park (pas la peine de raconter l’histoire..), film culte aujourd’hui. Et comme c’est un peu la tendance en ce moment de redonner vie au succès d’entant (Mad Max, Terminator,…), nous voilà avec un Jurassic World version 2015, Steven Spielberg à la production. Au casting, Chris Pratt, Bryce Dallas Howard, Ty Simpkins et Nick Robinson dans le rôle des deux jeunes garçons et aussi notre Omar Sy national ! Le film est une curiosité en lui même et on espère bien ne pas être déçu ! Sortie le 10 juin

Vice-Versa

Le nouveau Pixar, Vice-Versa, qui s’adresse autant au adulte qu’aux enfants s’immisce dans la tête de Riley, onze ans. Tous ses sentiments prennent vie grâce à Joie (Charlotte Le Bon), Peur (Pierre Niney), Dégoût (Mélanie Laurent), Colère (Gilles Lelouche) et Tristesse (Marilou Berry). Lorsque la jeune fille déménage avec sa famille dans une nouvelle ville, il va y avoir tout un remue-méninges après que Joie et Tristesse s’égarent. Présenté hors-compétition au Festival de Cannes, le film a particulièrement plu grâce à son originalité et sa tendresse. Sortie le 17 juin

Valley Of Love

Le réalisateur Guillaume Nicloux réunit Gérard Depardieu et Isabelle Huppert en couple divorcé dans le désert californien. Jouant deux célèbres acteurs, ils se sont donnés rendez-vous dans cette vallée de la mort pour faire le deuil de leur fils. Un décor immense et une chaleur accablante pour laisser place au vide sentimental et au poids des émotions. Sortie le 17 juin

Mustang

Mustang

Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs, Mustang de part son histoire sombre mais tout en gardant de la douceur, n’est pas sans rappeler Virgin Suicides de Sofia Coppola, présenté lui aussi dans la même section, en 1999. Le film turque de la réalisatrice Deniz Gamze Ergüven a fait sensation en racontant l’histoire de cinq sœurs, avide de liberté, qui vont se retrouver progressivement enfermée dans leur maison familiale. Mustang aborde un fait de société dur avec la lutte contre le contrôle étouffant de la famille sur la vie de ces jeunes filles, qui apporteront pourtant une belle énergie grâce à leur espoir d’évasion. Sortie le 17 juin

La Semaine de la Critique, Quinzaine des réalisateurs : Le Palmarès

La fin du Festival de Cannes approche à grand pas. Pendant que les dernières montées des marches défilent, et avant de découvrir la Palme d’Or, la sélection de la semaine de la critique a dévoilée son palmarès, suivi de la quinzaine des réalisateurs, section non-compétitive.

LA SEMAINE DE LA CRITIQUE

Le Grand Prix Nespresso a été décerné à Paulina de Santiago Mitre. Le personnage éponyme se rend dans une région défavorisé d’Argentine pour y faire de l’enseignement. Malgré les conditions de vie difficile et une agression par certains de ses élèves notamment, Paulina ira au bout de ses convictions pour sa mission pédagogique.

Autre grand gagnant, La Tierra y la Sombra de César Augusto Acevedo qui remporte deux prix, celui de la révélation France 4 et de la SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques). Ce premier long métrage qui prend place dans la région d’où est originaire le réalisateur, en Colombie. 17 ans après avoir abandonné sa famille, Alfonso, vieux paysan, fait de nouveau apparition pour être auprès de son fils malade. Il y redécouvre son ancienne maison cernée par des plantations de cannes à sucre provoquant une pluie de cendres continue et tentera de sauver ses proches. Le film sortira le 23 septembre 2015 en France.

Pour les courts et moyens métrages de la sélection, le prix Découverte Sony CineAlta a été remis à Varicella et le prix canal+ à Ramona.  Le prix de l’Aide Fondation Gan est revenu au français Clément Cogitore pour Ni le ciel, ni la terre. On y retrouve Jérémie Renier et Kevin Azaïs (Les Combattants) devant effectuer une mission militaire de contrôle et de surveillance dans une vallée reculée de l’Afghanistan. Le lieux, à l’apparence plutôt calme, va pourtant devenir sujet à de nombreux mystères suite à la disparition de soldats.

 

LA QUINZAINE DES REALISATEURS

Si la section n’est pas une compétition, plusieurs prix sont néanmoins remis par plusieurs partenaires. Le prix Art Cinema Award a été remis à El Abrazo de Serpiente de Cirro Guerra qui a la particularité d’être en noir et blanc. La Label Europa Cinémas a récompensé Mustang de Denis Gamze Ergüven dénonçant les mariages forcés que vont subir cinq jeunes sœurs de Turquie. Le film a d’ailleurs énormément plu et fait parler de lui pendant le festival.

Le français Arnaud Desplechin a reçu le prix SACD pour Trois souvenirs de ma jeunesse. Le prequel de son film Comment je me suis disputé… (ma vie sexuelle), sorti en 1996 avec Mathieu Amalric dans le rôle principal, retrace de l’enfance aux années étudiantes, le vie de Paul Dédalus (ici joué jeune par Quentin Dolaire et adulte par Amalric) ainsi que sa rencontre avec Esther.

<i>Trois souvenirs de ma jeunesse, </i>d' <i/>Arnaud Desplechin, sacré Prix SACD à la Quinzaine des Réalisateurs.                                                                                            

[Critique] Le Dos Rouge, de Antoine Barraud

Saisir l’insaisissable dans une réalité hors du temps, c’est un peu de cette façon que l’on pourrait définir l’atmosphère du deuxième film de Antoine Barraud, Le Dos Rouge. Les musées, lieux propices à la contemplation, deviennent le théâtre imaginaire de Bertrand (Bertrand Bonello), un cinéaste en quête d’inspiration pour son prochain film, consacré à la monstruosité dans la peinture. Où plutôt, est-il à la recherche du monstre parfait qui le fera frissonner. Dans un flottement total, nous sommes bercés au gré de ses tableaux, tous plus captivant les uns des autres, sans trop se soucier de l’issue qui sera proposée.

Le Dos Rouge ne se laisse pas aborder tout seul. Il faut prendre le temps de l’apprécier, comme si l’on regardait un tableau en faite. L’image architecturale, jouant avec la symétrie des monuments parisiens, laisse s’imprégner une idée de grandeur, inatteignable. Mais si cela pourrait se refléter dans les tableaux, que ce soit par leur beauté, leur étrangeté ou leur côté impressionnant, ils ne sont néanmoins pas voués à nous laisser de marbre. A travers le regard curieux et imaginatif de Bertrand et de Célia Bhy (Jeanne Balibar), historienne de l’art, qui accompagne le cinéaste dans ses pérégrinations artistiques,  les œuvres se livrent à nous. Les personnages livrant leurs interprétations personnelles et spontanées, poussent à l’observation. Ce goût du visuel et de l’esthétisme, un brin philosophique est d’autant plus mis en valeur grâce aux commentaires qui planent au dessus de ces plans serrés sur la peinture.

Faute de posséder une réelle intrigue palpitante, ici c’est l’art qui devient intriguant. L’œil de Bertrand entre en notre possession et de ce fait, ses émotions se transmettent plus simplement. Un double regard qui fusionne en somme, effaçant une dualité qui aurait pu faire barrage et empêcher de comprendre le personnage. D’ailleurs, l’aspect hybride fait partie intégrante du film avec la construction d’un film dans un film, un cinéaste nommé Bertrand joué par un cinéaste nommé Bertrand (Bonello), le réelle et l’irréelle qui se confondent. La touche de fantastique vient rendre l’univers du film encore plus à part, comme si cette bulle artistique échappait à la réalité. Le monstre que cherche Bertrand s’avère être présent un peu partout mais sans jamais vraiment se dévoiler comme en témoigne la marque rouge au dos du cinéaste. Les multiples fantaisies qu’offre la mise en scène percutent, déstabilisent et surprennent, donnant un style particulier et rythmant l’action. Au milieu d’un Paris bourgeois, le réalisateur Antoine Barraud qui préfère l’impureté à la pureté, a distillé une forme de monstruosité dans son film pour rester paradoxale.

Les acteurs, au naturel charismatique, portent le film avec simplicité et sophistication. Avec un rôle écrit sur mesure, Bertrand Bonello reste classe et nonchalant au côté de Jeanne Balibar, désinvolte et étrange mais jamais perturbante. Les personnages féminins transmettent toutes du caractère et de l’émotion en étant énigmatique. On peut alors librement se questionner sur elles et imaginer de multiples interprétations. A la fois accessible et inaccessible, Le Dos Rouge, dont le tournage s’est déroulé sur trois années, offre de vrai moment captivant avant de s’essouffler parfois. Ambitieux et singulier, le film transmet cette fascination de l’art et a le don de le mettre à l’honneur, que ce soit dans sa beauté ou sa laideur.

Le Dos Rouge, comédie dramatique d’Antoine Barraud, avec Bertrand Bonello, Jeanne Balibar, Géraldine Pailhas, Joanna Preiss,… 2h07, 2015

Sortie en salles : le 22 avril 2015

Critique en Partenariat avec Epicentre Films, distributeur du film.

http://www.youtube.com/watch?v=ohKoNgQBkws

[Critique en Série] The Affair, une mise en abyme intrigante

[Critique] The Affair, une mise en abyme intrigante

Un beau jour, au début de l’été, Noah, homme marié et père dévoué de quatre enfants, fait la rencontre d’Alison, une femme mariée elle aussi, qui pleure la mort récente de son enfant. Dès le premier regard échangé, le coup de coeur est instantané et partagé. Commence alors une relation adultérine qui détruira leurs mariages respectifs, et aura des conséquences dramatiques sur chacun des membres de leurs familles…

The Affair part d’une idée simple, celle d’une liaison amoureuse entre Noah, père de famille, mari comblé, mais un peu désabusé par l’écriture de son deuxième roman, et Alison, serveuse, meurtrie par la perte de son enfant, et n’arrivant plus à être heureuse avec son conjoint. Jusque là, on peut s’attendre à une histoire d’amour rocambolesque et un peu sulfureuse. Sauf que la série s’avère bien plus vaste et complexe que cela.

Si dès le début du premier épisode, nous croyons simplement suivre la rencontre de Noah avec Alison, l’intrigue va rapidement prendre une toute autre tournure. En effet, le point de vue narratif change par la suite, et nous allons revivre les mêmes instants via les yeux d’Alison. Une histoire à double facette, où le vrai et le faux sont difficiles à cerner tant les différences sont flagrantes. Il est alors amusant de repérer ce qui change entre les perspectives de ces deux personnages. Noah nous montre une Alison séductrice, alors que lui tente de résister. Alison, de son côté, se présente comme une femme fragile, plus hésitante et prudente, face à un Noah bien plus avenant. Ce premier trouble prend tout son sens au moment où l’on découvre que nous sommes finalement dans un flashback. Nos deux protagonistes sont en réalité interrogés par un enquêteur de police, et même si peu d’indices nous sont laissés, il serait question d’un meurtre. Ce mystère va alors s’installer dans nos esprits, et nous faire regarder les choses bien plus différemment et attentivement. L’intrigue s’ouvre sur une seconde dimension, en basculant d’un simple adultère à cette mystérieuse affaire criminelle.

Cette mise en abyme n’est pas sans rappeler celle de True Detective qui a déjà fait ses preuves. La narration est efficace, fine, et laisse planer une atmosphère insaisissable. Comme coupés du monde, dans un décor de bord de mer qui sent bon les vacances, on pourrait croire que ces personnes ne vivent qu’un moment éphémère. Nous sommes plongés au cœur du désir entre un Noah et une Alison essayant tantôt de résister, tantôt de succomber. Nos deux amants jouent avec les sentiments, et face à ce petit jeu dangereux qui semble s’annoncer dévastateur, le goût du risque est démultiplié. La série possède cette capacité à nous surprendre au fil des épisodes, et se dévoile au compte goutte. Le suspens est l’un des rouages essentiels, rendant l’intrigue encore plus passionnante et addictive. Ce qui est intéressant ici, c’est que l’histoire se construit au fur et à mesure, sans que nous ne sachions ce qui peut arriver. La surprise est toujours de mise, les interrogations fusent, et l’immersion se fait facilement. Le spectateur est vivement invité à vivre pleinement la série.

Les personnages s’imposent dès le départ comme complexes et profonds, même si conjointement aux deux points de vue il est difficile de les cerner. Leur charisme est bien évidemment dû aux excellents acteurs que sont Dominic West (Noah) et Ruth Wilson (Alison). Ces derniers captent l’écran, et transmettent avec naturel la fougue de leur relation. Les protagonistes secondaires ne sont pas en reste, et occupent également une place importante dans l’évolution de l’histoire. Les conjoints respectifs de Noah et Alison, joués par Maura Tierney (Urgences) et Joshua Jackson (Dawson, Fringe), sont tous deux très justes et montrent un grand potentiel. Ils ne se laissent pas écraser par la force du couple d’amant.

La tension et le suspens de The Affair apportent une nouvelle valeur à cette romance qui n’a pas dévoilé tous ses secrets. La double narration tend à mettre l’accent sur la psychologie des personnages. Les différences viennent-elles de leur ressenti ? À moins qu’elles soient en rapport avec l’objet de l’enquête ? Autant de questions qui font que The Affair nous transporte jusqu’au bout, et occupe activement nos pensées. Une série aussi vibrante que dense, malignement écrite, et vivement conseillée.

 

[Critique en Série] Paris, 24h dans la ville lumière

[Critique] Paris, 24h dans la ville lumière

Paris, ville aux décors mythiques, est une véritable scène de théâtre où la mise en scène et ses protagonistes viennent la servir et l’embellir en la rendant encore plus vivante. C’est au sein de la capitale que la nouvelle mini-série d’Arte, Paris, est venue prendre place le temps de 24h. Elle propose de nous immerger dans le quotidien de douze personnages, tous très singuliers et différents les uns des autres, en entremêlant leurs histoires et en croisant leurs destins. Passant du Premier Ministre désemparé avec son fils fugueur, à une syndicaliste de la RATP et son mari chauffeur de bus en pleine crise conjugale, sans oublier leur fils ou plutôt fille, transsexuelle, qui lie une relation secrète avec le Procureur Général de la République (trompant ainsi sa femme journaliste politique), Paris est un vrai condensé de vie.

Le postulat de départ rend curieux, et la large palette de personnages est une vraie prise de risque tant le téléspectateur risque de s’emmêler les pinceaux. Néanmoins, cette dernière apporte de l’audace, et un aspect aussi plurivoque que dynamique trop peu présent dans les séries. Cette grande diversité de classes sociales permet à Paris de s’ouvrir sur différents horizons. La scénariste Virginie Brac, à qui l’on doit la deuxième saison d’Engrenage, a en quelque sorte transposé le documentaire 24h Berlin à la ville de Paris. Dans ce dernier, nous pouvions suivre les habitants berlinois en temps réel, puisqu’il était diffusé sans interruption. En gardant cet aspect du quotidien, on nous promet donc une immersion dans la vie des personnages, entre leurs espoirs et désillusions.

Atypique, la série ne veut pas ressembler aux autres et souhaite déployer son propre style. Elle veut se détacher des codes, notamment ceux liés à la ville de Paris qui ne joue pas l’aspect carte postale. La capitale s’impose au contraire comme un vrai personnage, et s’intègre parfaitement dans la mise en scène. Ici, nous ne sommes pas simple touriste, même si nous partons à la découverte des lieux les plus emblématiques. Du Palais de Matignon en passant par Pigalle, nous sommes au cœur de ces endroits, et Paris se dessine à travers ceux qui la font vivre. Autre émancipation, et qui a de son importance, celle du personnage d’Alexia, une transsexuelle dont les caractéristique prennent à contre-pied celles que l’on nous sert habituellement. C’est un rôle solaire et centrale, car Alexia est une des seules ondes positives de l’histoire, et elle est montrée sous un jour très naturel comparé à la façon dont les transgenres sont dépeints généralement. Pas d’accablement sur les difficultés de sa condition, ou de sa transformation… On découvre seulement un personnage à part entière, nouveau, qui se distingue mais qui se fond également très bien dans la foule. Joué par Sarah-Jane Sauvegrain, c’est une belle réussite car il n’y a aucune caricature. L’exemple est à prendre.

Si la série finit par trouver sa vitesse de croisière, ses débuts sont néanmoins plus ballottant. Le premier épisode n’a pas réussi à me faire rentrer dedans complètement, et cela m’a pris du temps pour apprivoiser les personnages. Il faut attendre la suite pour commencer à être plus entraîné. La mise en situation est donc quelque peu maladroite, dans le sens où la série charge beaucoup en action pour tenter d’attirer l’attention. Le plus intéressant se trouve après, lorsque le scénario s’affine, nous donnant ainsi une meilleure intensité et plus d’émotion. La multiplicité des protagonistes, et de leurs histoires, est également difficile à gérer au départ. Ce n’est qu’une fois bien installé que l’entrecroisement de leurs destins se fait plus compréhensible, et les univers très différents de chacun ne facilitent pas l’adaptation.

Paris présente un concept intéressant qui peut donner libre cours à d’innombrables dénouements. La matière est là, cela se sent, la posture est réfléchie et les acteurs sont justes, mais cette ambition peut parfois divaguer. Les premiers épisodes sont concluants malgré quelques fausses notes, mais il me tarde que ce « 24h Paris » satisfasse mes attentes.

[Critique en Série] You’re The Worst, coup de jeune de la comédie romantique

Dans la liste interminable des sitcoms, il y a celles qui passent aux oubliettes, celles qui ne durent qu’un temps relativement court, et celles qui rencontrent tous les succès. Mieux vaut donc sortir du lot et faire ses preuves dès le départ, pour ne pas se perdre dans ce tourbillon de séries. You’re the Worst, elle, se placerait plutôt parmi celles au style plus authentique, qui ne tente pas de ressembler à ses concurrentes. En prenant à contre-pied les codes de la comédie romantique, la série diffusée sur FX se révèle être jeune, fraîche et moderne. L’humour corrosif de ses personnages lui donne un aspect non-conventionnel, qui s’avère franchement fun à regarder. Un style tout en efficacité.

You’re the Worst, c’est un peu l’application Tinder qui se transforme en Meetic, quand le plan-cul régulier devient relation à durée indéterminée. Au départ, Jimmy et Gretchen se rencontrent lors d’un mariage, et décident de coucher ensemble le soir même. Partageant le même avis sur les relations, et étant dotés tous deux d’un caractère affirmé, ils se mettront vite d’accord sur les conditions de leur aventure sans lendemain. À coup de ‘Tu ne me plais même pas’, ils vont sans se l’avouer, et sans s’en apercevoir, tomber amoureux. Faisant perdurer ce coup d’un soir, Jimmy et Gretchen s’autorisent malgré tout à toujours mener leurs vies de célibataires, ne tentent pas de se séduire, et n’hésitent pas à se faire des remarques désobligeantes pour se rendre détestables. Sauf qu’à ce petit jeu, des sentiments de jalousie vont apparaître, venant semer le trouble dans leur relation bien établie.

Jouant parfois avec la vulgarité, et reniant le politiquement correct, la série aborde la relation amoureuse sous un jour différent. Ici, pas de chi-chi, pas de gnan-gnan, on ne fait pas dans le rêve romantique. Et contre toute attente, c’est bien ce qui fait le charme de ce show. Les dialogues mordants, dynamiques et crus, apportent à You’re the Worst un style actuel, dans l’ère du temps. Le mépris apparent des deux héros cache néanmoins l’amour qu’ils se portent. Ce sont des êtres plus tendres qu’il n’y paraît. Leur attitude désinvolte n’est là que pour éviter tout embarras, face à leurs réels sentiments. Cette situation apporte beaucoup d’humour et les rend terriblement attachant, car elle donne un côté attendrissant à leurs défauts.

L’évolution de leur relation est très agréable à suivre. Les épisodes fusent et le plaisir ne manque pas. La première saison, plutôt courte (dix épisodes de 20 minutes), s’enchaîne sans difficulté, et l’histoire progresse très rapidement. On évite les longueurs et péripéties interminables qui pourraient venir alourdir le scénario, et nous ennuyer que plus. C’est tout en légèreté, et fluidité, que nous voyons Jimmy et Gretchen se chercher au côté de leurs amis Edgar et Lyndsay, qui ne sont d’ailleurs pas en reste. Le premier, ancien soldat de la guerre d’Irak, vit avec Jimmy et souffre d’un stress post-traumatique. La seconde, meilleure amie de Gretchen, tente d’apprécier son récent mariage dont elle se serait bien passée. Ces deux personnages secondaires amusent à chacune de leurs apparitions, et ne dérogent pas à la règle humoristique de la série. Si au départ leur présence était quelque peu minimisée, Edgar et Lyndsay commencent à prendre de l’ampleur au fil des épisodes, et vont constater l’évolution de la relation de leurs amis. D’où leur importance !

Les acteurs principaux, Chris Geere et Aya Cash, forment un duo charismatique et attachant, pour lequel on est curieux de découvrir chaque travers de leurs personnalités. Leur cynisme, qui aurait pu être caricatural, ne devient pas lourdingue, et ce sûrement grâce à leurs personnalités plutôt funs qui savent les rendre attractifs. Romantiques à leur façon, les provocations de mauvais goût remplacent les roucoulements intempestifs. La série fait donc dans le cool et le direct. Ce gain de temps apporte d’ailleurs beaucoup d’énergie au déroulement de l’histoire. You’re the Worst ne passe pas par quatre chemins, et n’est pas là pour faire dans le pathétique. La série tient principalement sur le fil rouge de la relation entre Jimmy et Gretchen, et ne propose pas de creuser vraiment plus loin. Ce serait d’ailleurs son seul vrai bémol, celui de ne pas avoir assez de richesses narratives, car il serait intéressant de connaître davantage ces personnages. L’occasion pourra peut-être se présenter avec la saison 2, qui a désormais toutes les cartes en main.

Men, Women and Children, une vision restrictive du monde

A l’heure d’internet, des réseaux sociaux et des smartphones,  nos communications en sont elles meilleures ? C’est en partie la question auquelle tente de répondre le réalisateur Jason Reitman (Juno, Young Adult) en abordant les problématiques liées au virtuel dans Men, Women and Children. Un sujet très actuel et fortement intéressant. Sur le papier, plusieurs personnes d’une même petite ville du Texas vont être l’objet des attentions. Cette pluralité de portraits va dépeindre les effets des nouvelles technologies sous différents aspects.

Malheureusement, les stéréotypes et cas extrêmes ne sont pas évité dans ce drame choral qui reste parfois trop restrictif. De la mère parano qui surveille sa fille au peigne fin sur les réseaux sociaux à celle qui l’expose en tenue légère dans l’espoir de faire d’elle une starlette, en passant par le jeune accro à World Of Warcraft ou au site porno, les personnages forcent la caricature. Le film possède un aspect trop poussif qui ne permet pas une bonne identification et encore moins une représentation globale de la réalité. Les personnages  qui sont réduits à une caractéristique, ne sont pas pleinement exploités et ne surprennent pas vu que leur comportement est prévisible. Il est dommage que le réalisateur effleure trop sur le sujet. L’histoire initiale qui pouvait permettre de creuser un peu plus le sujet, mêler des personnages plus élaborés aurait donner un film plus riche et efficace. On n’en connaît peu sur ces personnages et leur histoire n’est pas suffisamment évoqué pour comprendre leur comportement actuel à travers différents facteurs sociaux ou culturels. La critique que le réalisateur veut donc faire n’a pas réellement de légitimité puisqu’elle n’est pas contextualisé. Le film en généralisant, englobant tout à la fois, n’a pas l’effet escompté et ses dénonciations ne sont pas assez marquante. L’intégration des sms et pages web aux images du film n’iront en rien compléter les propos tenus et le réalisateur ne fait que survoler les apparences.

Comme Jason Reitman ne déploie pas divers facettes de ces personnages et reste dans une plate critique de faits tous plus cliché les uns des autres, son objectif ne nous atteint pas. Limiter la communication virtuel à quelques exemples poussifs et tapageurs, en voulant les rendre commun laisse perplexe. Le film s’enferme tout seul et tombe dans le piège, oubliant de fouiller en profondeur. Malgré tout, les histoires se préoccupant notamment sur les relations amoureuses à l’heure des réseaux sociaux, Men, Women and Children réussi à nous bercer et divertir par ces petites tranches de vie. Le vrai bon point du film vient avant tout de son très bon casting qui mêle acteurs confirmés et nouveaux talents. On y retrouve Jennifer Garner, Adam Sandler, tout en justesse, Ansel Elgort (Nos Etoiles Contraires) et Kaitlyn Dever (State Of Grace) que je compte bien suivre.

A force de peindre un tableau parsemé de clichés, Jason Reitman oublie de donner du liant entre ses personnages et le spectateur. Le discours choisi ne sert pas la cause contre laquelle veut se battre le film et c’est dommage. Le casting est heureusement là pour donner du cachet et véhiculer l’émotion, comblant le vide des messages.

Comédie dramatique de Jason Reitman, avec Jennifer Garner, Adam Sandler, Ansel Elgort, Kaitlyn Dever, Rosemarie DeWitt,… 2014, 1h59

Gerontophilia, un sujet délicat pour un film délicat

Sous ce titre légèrement provoquant et sujet quelque peu tabou, le réalisateur Bruce LaBruce sort de son registre habituel, plus choc et tapageur, pour nous emmener vers un film à la douceur inattendue. Lake, 18 ans, travaille en tant qu’infirmier dans une maison de retraite et va tomber amoureux d’un des pensionnaires. L’histoire, assez atypique, a en effet tout pour déranger. Risque t-on des scènes embarrassantes ou un film difficilement passionnant ? Le contraste des personnages associés dans une relation peut-il être possible ? Le pari est risqué.

C’est donc avec un peu d’appréhension et des pincettes que Gerontophilia s’amène à nous. Mais on va pouvoir se rassurer. Traité comme une comédie romantique, tout en douceur, le réalisateur raconte avec simplicité une histoire d’amour banale. Rien d’explicite, le titre du film ne plane donc pas autant sur l’histoire que l’on aurait pu penser. Mais à vouloir jouer avec le calme ambiant de la relation et sa délicatesse, la réalisation reste classique et ne décolle pas énormément. Le film se perd dans ses intrigues et manque donc de présence. La qualité du film apparaît dans sa façon de nous présenter son histoire et de tisser les liens entre les personnages. Donner de la crédibilité et de la simplicité n’était pas chose facile.

Critique en partenariat avec Cinétrafic dans le cadre de DVDTrafic. Retrouvez ici d’autres réalisations 2014, une année chargée en films sentimentaux

De Bruce LaBruce, avec Pier-Gabriel Lajoie, Walter Borden, Katie Boland,…2014, 1h22

DVD distribué par Epicentre Films (sortie le 7 octobre 2014) page Facebook