[Critique] Blind, imaginaire aveuglant

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Pour son premier film, le réalisateur norvégien Eskil Vogt a choisi un sujet rarement traité au cinéma : la cécité. Dès les premiers instants, nous sommes mis en condition à travers la vision tachetée de noire d’Ingrid. Vivant recluse chez elle depuis qu’elle a perdu la vue, cette ancienne professeur laisse libre court à son imagination pour s’offrir un monde visuel. C’est un mélange de fiction et réalité qui va animer le film. Quitte à se retrouver perdu.

C’est bien connu, la perte d’un sens éveil d’avantage les autres. Eskil Vogt va utiliser le toucher et l’ouïe pour relier Ingrid au monde extérieur. Enfin du moins sur l’environnement de son appartement, passant la plupart de son temps assise dans son fauteuil devant une grande fenêtre à côté de sa petite radio. Sans interaction sociale et avec un mari trop absent, elle va donc imaginer ce qu’elle pourrait voir et s’avérera paradoxalement être une fine observatrice. Ses pensées retranscrites en voix off vont nous plonger au cœur de ses réflexions et nous rendre proche d’elle.

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Son aveuglement qui aurait pu représenter un rempart devient alors le lien qui nous uni à elle en laissant son être intérieur transparaître. Pour occuper ses journées, Ingrid écrit alors sur son ordinateur des histoires sortant tout droit de son esprit avec pour personnages ses voisins ou son mari avec qui elle s’inventera un double. Et c’est là que le problème du film arrive. La séparation entre la réalité et la fiction est très confuse et nous ne savons pas vraiment où nous situer. Un cafouillage perturbant qui empêche de suivre avec facilité le film et qui focalise notre esprit sur ce soucis de compréhension. En passant d’une scène à une autre, Eskil Vogt rend floue le scénario.

Au delà de la situation d’Ingrid, Blind aborde aussi la solitude à travers ses autres personnages. Le rapport à l’autre est toutefois exprimé de façon très sensorielle. Quand Ingrid imagine son mari Morten rencontrer une femme par le biais d’internet ou un homme seul admirant en cachette sa voisine, c’est pour revivre les sensations qu’elle n’a plu. Chaque protagoniste est une part d’Ingrid. Les nouvelles technologies sont là pour combler le vide de leur vie et leur permettent de vivre de nouvelles émotions. Blind n’est donc pas un film qui se réduit à la cécité mais qui utilise ce prétexte pour mettre en interaction ce que vis Ingrid avec la place des individus au sein d’une société de plus en plus dématérialisé. L’ambiance froide ressenti correspond au manque de chaleur humaine vécu par les personnages, qu’elle soit psychique ou physique.

Blind est intéressant par son thème et sa façon d’aborder les choses mais déstabilise à cause d’un enchainement maladroit des scènes. La tentative d’analyse des rapports humains à l’ère de la société connectée était bien trouvée mais n’est cependant pas assez approfondie. Un premier film aux lacunes visibles mais prometteur.

Drame, Thriller de Eskil Vogt, avec Ellen Dorrit Petersen, Henrik Rafaelsen, Vera Vitali,… Norvège, 2015, 1h31

Sortie en DVD le 13 octobre 2015, KMBO éditions (page Facebook)

Critique dans le cadre de DVDTrafic avec Cinétrafic où vous pourrez trouver des films sortis récemment et d’autres films à venir.

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